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lundi 28 mai 2007

Le stalinisme

Le stalinisme

L'URSS de Staline est un des thèmes étudiés dans la première partie du programme d'histoire de 3e intitulée «Guerres, démocratie et totalitarisme».
Objet d'interrogation et de débat passionné le stalinisme est, depuis le début des années 1990, au centre de nombreuses publications consécutives à l'ouverture des archives soviétiques.

Il s'agit ici de faire le point sur les débats en cours, les apports récents de la recherche et de s'interroger sur les concepts au cour de ce thème. La seconde partie de cet article comporte quelques pistes de réflexion pédagogiques pour mettre en ouvre cette séquence de 2 à 3 heures consacrée à l'URSS de Staline dans une classe de 3e.


Plan

1 Le stalinisme : enjeux et débats
1.1 Approche historiographique du sujet
1.2 Le régime stalinien dans les années 1930
1.3 Une «brutalisation» des rapports entre l'Etat et la société.
1.4 «Les formes d'autonomie de la société socialiste» Nicolas Werth[1]

Conclusion : le stalinisme entre mémoire et oubli

2 De la mise au point scientifique à l'enseignement scolaire
2.1 Le concept de totalitarisme : un concept opérationnel ?
2.2 Le régime stalinien au travers des manuels scolaires d'histoire du secondaire
2.3 L'URSS de Staline dans le nouveau programme d'histoire de 3e

Bibliographie

1 Le stalinisme : enjeux et débats

1.1 Approche historiographique du sujet

Maître d'un régime dont son nom est devenu inséparable, Staline dirige l'URSS durant un quart de siècle entre 1928 et 1953.

Le stalinisme a été de tout temps un objet de débat passionné.
J. L Van Regemorter [2] rappelle que la notion de stalinisme, comme trahison au bolchevisme a été élaborée par les Trokystes dés les années 1920.
Il souligne également que contrairement au nazisme et au fascisme qui constituent des doctrines, le stalinisme correspond davantage «à des pratiques ayant pour objectifs la confiscation du pouvoir par Staline au lendemain de la révolution bolchevique».
Depuis les historiens, face à une réalité camouflée et une histoire manipulée, ont cherché à présenter leurs interprétations et leurs explications du système soviétique.

Jusqu'à la fin des années 1960 les principaux historiens de l'URSS, ont fondé leurs études sur le postulat du totalitarisme, privilégiant le pouvoir politique et ses instruments. Leurs analyses étaient centrées sur le dictateur, le projet et les réalisations du régime.
Conscients des limites du modèle totalitaire, de nombreux historiens comme Moshe Lewin se penchent, à partir des années 1970, sur les rapports complexes entre le pouvoir et la société soviétique.

En URSS, le passé a longtemps relevé du secret d'Etat. Les historiens ne disposaient que de publications officielles, des témoignages des exilés et des archives de Smolensk [3]. L'ouverture des archives au début des années 1990, consécutive à l'effondrement de l'URSS, est une véritable manne pour les spécialistes. Nicolas Werth parle de véritable «Révolution archivistique». Ces documents souvent inédits permettent aux historiens du stalinisme d'explorer un régime encore mal connu, surtout pour la période après 1945, qui reste un champ d'exploration.

Le renouveau des études sur l'URSS et sur le communisme a donné une nouvelle actualité au débat sur la comparaison entre le nazisme et le communisme. Thème de la journée de l'Institut d'Histoire du Temps Présent en janvier 1997, la démarche comparative est privilégiée par de nombreux ouvrages récents[4] .

Le livre noir du communisme[5], ouvrage sur le communisme et son coût en vie humaine, a déclenché une vaste polémique à sa parution. Certains lui ont reproché d'avoir fait une comparaison trop hâtive entre les crimes communistes et nazis.
Toutefois, des historiens comme Philippe de Burrin pensent que la démarche comparative garde toute sa légitimité à condition qu'elle soit faite avec rigueur. Dans un article de la revue L'Histoire, [6] l'auteur qualifie la réflexion sur les régimes d'Hitler et de Staline de «légitime et utile». Cette étude ne doit pas, selon lui, «se laisser arrêter par l'existence [.]de différences comme l'opposition des idéologies et les divergences de politiques. » Il souligne également le parallélisme saisissant entre le débat historique sur les deux régimes au cours des vingt dernières années tout en reconnaissant que «cette parenté laisse intacte [.] les spécificités qu'il importe de cerner pour l'intelligence des phénomènes».

Car comme l'écrivent Moshe Lewin et Ian Kershaw «la terreur stalinienne n'a pas besoin d'être minimisée pour souligner l'unicité de l'Holocauste bien que le tribut en vies humaines [ait été] immense» sous le régime stalinien[7].

L'ouvrage Stalinisme et nazisme. Histoire et mémoire comparée, sous la direction d'Henry Rousso, dont s'inspire largement cet article, opte pour cette démarche comparative. Le livre se présente sous la forme d'exposés parallèles qui partagent toutefois «une même perspective et procèdent à une articulation commune » (p.41). Les chapitres rédigés par Nicolas Werth, spécialiste de l'URSS, offre «un bilan d'étape» et apportent de nouveaux éclairages sur la nature et le fonctionnement du régime stalinien dans les années 1930, les rapports entre l'Etat et la société soviétique et leurs interactions.


1.2 Le régime stalinien dans les années 1930

· Nature et fonctionnement du régime stalinien

Staline a fait l'objet d'un nombre important de biographies fondées notamment sur une approche psycho-historique expliquant notamment les excès du régime par les motivations paranoïaques du dictateur. En réaction, apparaît dans les années 1980 une approche dite
révisionniste autour de la question de la toute puissance ou la «faiblesse» de Staline.
Est alors dressé le portrait d'un "Staline faible" ballotté entre les factions et n'ayant pas à sa disposition les instruments pour faire appliquer ses décisions jusqu'à la fin des années 1930.

Dépassant ce débat, N. Werth s'appuie sur les nouvelles sources (archives des instances du Parti, correspondance des élites dirigeantes, archives de l'administration soviétique) pour évaluer la place et le rôle du dictateur dans son système et étudier le processus décisionnel en identifiant l'empreinte de Staline. Il s'attache aussi à cerner le degré d'autonomie des différents acteurs politiques et tente de faire la part entre le projet politique et les dysfonctionnements du système.
Ce sont les fortes tensions entre deux formes d'organisation et deux logiques du pouvoir dans l'URSS des années 1930 qui expliqueraient, selon lui, la dérive policière et despotique du régime. La «logique de clan» imposée par Staline et les hauts dirigeants de l'Etat s'opposerait à la logique «d'un état industriel et moderne, fondée sur la notion de compétence». Cette tension permettrait de comprendre ce que M. Lewin, appelle «l'essence du stalinisme" à savoir «la paranoïa institutionnelle » qu'il définit comme «un sentiment d'impuissance qui se développe dans le cercle étroit des plus hauts dirigeants staliniens puis chez le dirigeant suprême. Plus le pouvoir central se renforce et plus ce sentiment d'impuissance persiste et s'accroît»[8]. Selon cette thèse, ce serait dans un contexte de crise et d'extrême urgence que s'opérerait la mise en place des nouvelles structures économiques du régime dans l'agriculture et l'industrie.

Ces projets donneraient lieu à une prolifération d'administrations, incapables ou réticentes à mettre en place la collectivisation dans les campagnes et de contrôler l'organisation de la production dans les usines.

Ces dysfonctionnements ne pouvant s'expliquer dans la culture bolchevique «que par la mauvaise origine sociale» des cadres, un profond renouvellement de l'élite administrative s'ensuivrait, dans les années 1930, précédé par l'élimination des anciens cadres.
Investis de pouvoirs importants, ces dirigeants régionaux se comporteraient vite en petits «Staline locaux» s'appuyant sur une clientèle.
C'est ce qui expliquerait la méfiance de Staline vis à vis de l'administration, son
interventionnisme croissant et le caractère de plus en plus «conspiratif» des décisions prises à partir de 1934 date à partir de laquelle les réunions plénières du politburo diminuent.
Toujours selon cette thèse c'est la perception du danger de guerre, à partir de l'automne 1936, qui expliquerait l'exacerbation de la logique despotique et policière du régime. La perspective d'une guerre internationale accentuerait cette «paranoïa institutionnelle».


· Une vision renouvelée de la Grande Terreur

Longtemps centré sur la paranoïa de Staline et sur les grands procès publics des bolcheviks, les sources nouvellement accessibles donnent une vision bien documentée de la Grande terreur des années 1937-1938. Les recherches s'orientent désormais vers l'étude du mécanisme de la répression, la sociologie du groupe des victimes et sur "la face conspirative de la Terreur».
Selon N. Werth, la Terreur apparaît comme un processus mise au point au plus haut niveau par Staline et mis en application par le NKVD sous forme d'opérations terroristes secrètes. L'auteur distingue les opérations contre les éléments «socialement dangereux» ou «socialement étrangers» et celles dirigées contre l'élite politique, économique, militaire du pays. La Terreur est suivie d'un renouvellement spectaculaire des cadres.
Contrairement à une idée reçue, la documentation disponible aujourd'hui, montre que les cadres du Parti, de l'économie, les militaires et les membres de l'intelligentsia ne composeraient qu'une petite minorité des personnes exécutées.
La crise que connaît l'encadrement militaire démontre que les effets négatifs de la Terreur l'emportent sur les avantages d'un renouvellement du personnel dévoué à Staline. Toutefois, le système s'est largement adapté, selon l'auteur, «aux perturbations et secousses» et a pu ainsi surmonter l'épreuve de la Seconde Guerre mondiale.
Au total, la Grande Terreur «expression la plus achevée de la paranoïa institutionnelle» déboucherait sur «un renforcement du pouvoir personnel de Staline [.] sur le triomphe de la logique de clan, [.] sur un développement du culte de la personnalité»[9].

Les historiens I. Kershaw et M Lewin ont souligné les différences existantes entre le culte de la personnalité autour d'Hitler et de Staline. Dans le régime stalinien le culte de la personnalité à «une fonction différente de la fonction charismatique qui caractérise le culte du chef dans le système national socialiste »

Le culte est indispensable au pouvoir de Staline et non au fonctionnement du Parti. Conscient de s'être écarté du modèle marxiste-léniniste, Staline y recherche une légitimité historique.

· Permanence ou évolution de l'Etat soviétique sous Staline ?

C'est l'école révisionniste qui, dans les années 1970, a posé la question de la permanence ou de l'évolution de l'Etat soviétique.

J.L. Van Regemorter reprend la distinction, largement admise par les historiens, des formes successives du régime stalinien. Il distingue l'ascension de Staline au pouvoir «lente et imprévisible» puis l'apogée du régime entre les Deux Guerres avec le tournant de 1936 qui marque le début de l'exacerbation de la logique policière et despotique. Le «second stalinisme», débute après la Seconde Guerre mondiale et s'achève à la mort de Staline en 1953.
De nombreux historiens, à l'instar de N. Werth, s'accordent pour reconnaître le fort contraste entre le stalinisme «révolutionnaire» des années 1930 caractérisé par les excès,
l'instabilité et les tensions extrêmes et le «second stalinisme» d'après guerre, «plus conservateur, plus nationaliste, marqué par la résurgence d'aspects archaïques, rétrogrades et régressifs" comme la xénophobie, le chauvinisme «grand russien» et l'antisémitisme.
Selon M. Lewin, c'est la présence «de forces soucieuses de stabilité et de légalité" qui vont permettre après la mort de Staline «de faire évoluer le régime vers un «système de bureaucratie tranquille coiffée par une oligarchie institutionnalisée »(p.76)
Mais cette période reste encore, pour les historiens, un vaste champ d'étude.

Une autre thèse voit dans le stalinisme un développement logique du léninisme. Selon des historiens russes, il faut en effet remonter jusqu'à Lénine pour comprendre la création de l'appareil répressif et la création des goulags. Cet avis est partagé par N.Werth pour qui la terreur est «indissociable du système soviétique»10. Par contre, la dimension criminelle n'est pas «centrale du début à la fin » du système, les massacres de masse ne se situant
«qu'à des moments précis» selon lui.
Contrairement au nazisme, il y aurait donc dans le communisme qui affirme incarner un nouvel humanisme «un décalage entre la doctrine et la réalité».
J.L Van Regemorter11 qualifie cette thèse «d'outrancière» : «même si Lénine a subordonné explicitement la morale à la politique, il l'a toujours fait au nom de la raison d'Etat et non pour assouvir sa vengeance et son ambition : même sous le communisme de guerre il n'a pas imposé de force la collectivisation». Quant au «nombre de victimes de la Terreur en pleine guerre civile.[il] a été sans commune mesure avec les massacres ultérieurs» selon cet auteur

1.3 Une «brutalisation» des rapports entre l'Etat et la société

Dans l'URSS stalinienne, la violence s'est exercée à l'encontre de la société soviétique. N.Werth parle d'une «brutalisation» des rapports entre l'Etat et la société12. L'ampleur et la spécificité de ses «logiques de violence» peuvent être saisies au travers de quelques études parues au début des années 1990.
Un article de la revue L'Histoire, rédigé par N. Werth13, donne la mesure de cette violence.
Des statistiques inédites du Goulag révèlent tout d'abord une population pénale inférieure aux estimations antérieures : le nombre de détenus oscillerait entre 0,5 millions en 1934 et 2,5 millions au début des années 1950. L'apogée du système concentrationnaire se situe au lendemain de la Seconde Guerre mondiale avec l'afflux des prisonniers de guerre soviétique.

Contrairement à une idée répandue, le contingent condamné pour «activisme contre révolutionnaire» ne constitue qu'entre ¼ et 1/3 des détenus.
Les autres prisonniers le plus souvent d'origine populaire sont tombés sous le coup de lois répressives sanctionnant les formes d'insubordination sociale (vol, absentéisme à l'usine.).

A cela il faut ajouter l'expropriation de 25 Millions de foyers paysans sans oublier la question de la famine de 1932-1933. Avec ses 6 millions de morts, cette famine occupe une lourde place dans le bilan de la répression stalinienne. Cette famine constitue une «forme de violence extrême et inédite» selon N. Werth14. Après la spoliation de leurs terres, poursuit l'auteur, «les paysans furent punis pour avoir résisté. Cette punition acheva de transformer en disette une famine. » La qualification de ce crime d'Etat continue de susciter d'âpres discussions.

Massive, la répression stalinienne est donc à géométrie variable avec des niveaux d'intensité fluctuants, des cibles changeantes. Les différentes formes de cette violence sont le reflet des transformations du régime. N. Werth met aussi en lumière un jeu de bascule entre une répression extra-légale (police politique) et légale (tribunaux «ordinaires »).


1.4 «Les formes d'autonomie de la société soviétique » N. Werth 15

Sous le régime stalinien l'absence de résistance de la société soviétique a été longtemps soulignée, l'historiographie fondée sur le postulat du totalitarisme niant l'existence d'une quelconque société civile.
Avec le développement de l'histoire sociale, l'histoire par le bas, les recherches
sur les espaces d'imperméabilité au régime, sur les formes et modalités d'opposition passive ou active se sont multipliées. Dans ce domaine encore largement inexploré, la prudence s'impose et il faut se garder de toute conclusion hâtive.
N. Werth fait le point sur les recherches récentes.
Tout d'abord, l'adhésion populaire au culte de Staline doit être révisée à la baisse.

Les nouvelles sources comme les rapports de la police politique sur l'état du pays et sur «l'esprit public», maniées avec prudence, permettent également de cerner les tensions extrêmes entre le régime soviétique des années 1930 et la société qui oppose une gamme infinie de «résistance», de stratégie de survie, de contournement ou «d'évitement». Reprenant une typologie élaborée par l'historien I. Kershaw, N. Werth distingue des formes de résistance active (émeutes) et une large gamme de formes d'insubordination sociale et de résistance collective : absentéisme, refus de coopérer y compris chez les cadres de l'administration. Il souligne aussi les formes d'autonomie de l'opinion ainsi que la persistance de canaux alternatifs d'information.

L'imperméabilité des cultures se perçoit notamment, selon l'auteur, à la persistance de traditions culturelles comme les fêtes religieuses ou encore au maintien de modèle démographique traditionnel résistant aux tentatives d'homogénéisation du pouvoir politique.

En définitive, conclue N. Werth, ce sont les difficultés du régime à maîtriser une société rétive qui alimentent «la violence d'Etat »16.
Conclusion : Le stalinisme entre mémoire et oubli 17

C'est avec la dénonciation des crimes du régime, sous Khrouchtchev, que la mémoire du stalinisme commence à être réintégrée dans l'expérience collective pour être de nouveau marginalisée à l'époque brejnévienne.

La libéralisation culturelle, consécutive à l'arrivée au pouvoir de Gorbatchev, suscite de nouveau un «puissant besoin de reconstruction de la mémoire historique » dans la société et marque une nouvelle dénonciation de la tragédie stalinienne. Cette fois, elle prend un caractère plus massif et plus radical.

Pourtant depuis le début des années 1990, la Russie post-communiste semble avoir condamné à l'oubli la période stalinienne. La révélation des crimes n'ayant fait qu'approfondir la crise d'identité de la société en ternissant l'image positive de l'URSS.
Cette «amnésie» répond, selon S. Nykel, à un mécanisme comparable au refoulement du nazisme et du fascisme dans les années d'après guerre.

Toutefois un seuil est franchi et si l'oubli imposé par le pouvoir a longtemps empêché la transmission de la mémoire, l'ouverture des archives devrait permettre aux futures générations de s'interroger sur le passé de leurs pays. «Le temps des historiens» ne viendra que lorsque les «tensions émotionnelles s'apaiseront" conclut l'auteur.


2 De la mise au point scientifique à l'enseignement scolaire

L'étude de l'URSS de Staline se situe dans la première partie du nouveau programme d'histoire intitulée «Guerres, démocratie et totalitarisme».

2.1 Le totalitarisme, un concept opérationnel ?

Le concept de totalitarisme est au cour des chapitres sur l'URSS de Staline et l'Allemagne Nazie. Pourtant le classement des régimes fasciste et nazi aux cotés du stalinisme sous ce concept a posé et pose encore problème aux historiens. En voici un bref historique.18

Apparu entre les deux guerres, dans l'Italie fasciste, le concept est repris par les contemporains dans les années 1930 qui établissent des comparaisons entre les trois régimes.
Dans les années 1950, le concept revient au premier plan. Thème de l'ouvrage de la philosophe Hannah Arendt les origines du totalitarisme paru en 1951, il est aussi au cour de la réflexion d'historiens français comme R. Aron.
Mais dans un contexte de Guerre froide, ces ouvrages sont perçus comme obéissant à une finalité politique : l'anticommunisme. L'historien J. Touchard, dans le tome II de son Histoire des idées politiques, en1959 préconise de ne pas utiliser le mot qui aurait «pour effet - et peut être comme but- de masquer les différences qui tiennent à l'essence même des régimes, et de suggérer des rapprochements qui ne sont pas toujours très convaincants». Plus récemment, l'historien anglais, I. Kershaw a souligné les limites de ce modèle théorique qui ne résiste pas à la confrontation avec la réalité.

Didier Musiedlak voit, au travers de ce débat, l'évolution de la recherche historique qui
«plus que sur l'examen d'un modèle» s'oriente, dans une perspective plus pratique, vers l'étude des mécanismes du totalitarisme.

Parallèlement, les accompagnements du programme de 3e(p.9) propose comme itinéraire possible une comparaison entre l'URSS de Staline et l'Allemagne nazie.

Alors que faire ?

Une utilisation prudente du concept de totalitarisme, laissée à l'appréciation de chaque enseignant, peut être conseillée.
Le risque est d'imposer aux élèves, comme allant de soi, un concept controversé qui tend à se banaliser dans le vocabulaire courant et qui cache une interprétation historique. Parler de totalitarisme, c'est postuler que les régimes ont plus de points communs que de différences.

S'il est utile pour penser une réalité globale et pour décrire un phénomène nouveau, son utilisation peut également s'avérer délicate avec des élèves peu enclins à la nuance.
Seule une analyse fine du concept avec les élèves, donc dévoreuse de temps, permettrait d'éviter le piège de la schématisation.

Le «rapprochement» entre l'étude de l'URSS stalinienne et l'Allemagne nazie, proposée par les accompagnements du programme de 3e, reste malgré tout pertinent.
L'historien N.Werth trouve la comparaison «légitime» si on la traite «de manière globale : système de gouvernement, rôle des personnalités, rôle du chef, projet général et évolutions des historiographies19» sur les deux sujets.

Dans une optique pédagogique, cette démarche permet de montrer aux élèves que si les régimes nazi et stalinien sont contemporains et proches par leurs pratiques, les différences existent : c'est l'antisémitisme qui fonde la spécificité du régime nazi.


2.2 Le régime stalinien au travers des manuels d'histoire du secondaire 20

Un article de la revue L'Histoire montre, la vision de l'Union Soviétique, donnée par les manuels de l'enseignement secondaire en France entre les années 1950 et les années 1970.
L'auteur y voit dans ces années de Guerre froide, l'influence de l'idéologie dominante marquée par l'antiaméricanisme, le rejet du capitalisme et une certaine «complaisance vis à vis de l'URSS encore auréolée de sa victoire de Stalingrad et de sa lutte contre le nazisme».

Si les manuels d'histoire donnent alors l'image d'une URSS incarnant les transformations sociales et l'avènement d'un ordre social plus juste, la terreur et la violence de masse passent au second plan et sont évoquées à mot couvert : «Le passage d'une société compartimentée - celle d'avant 1917- à une société sans classe a posé des problèmes difficiles et délicats, nécessitant une série d'adaptation. » (Nathan p166).
Quant aux purges «manifestations inutiles de l'autorité stalinienne, [elles] affaiblissent
l'URSS en dégarnissant les cadres. Elles demeurent cependant un acte superficiel qui impressionne plus l'opinion occidentale que l'opinion russe». Bordas p 200.

Depuis la vision de l'URSS dans les manuels scolaires du secondaire a évolué en tenant compte des inflexions de la recherche.

2.3 L'URSS de Staline dans le nouveau programme d'histoire de 3e

Les accompagnements du programme d'histoire de 3e proposent :
· un nouveau découpage chronologique. Contrairement à l'ancien programme d'histoire, l'étude de l'URSS est divisée en deux parties : l'étude des révolutions russes est désormais incluse dans la partie consacrée à la Première Guerre mondiale et ses conséquences. Une séquence de 2 à 3 heures (évaluation comprise ) est prévue pour l'URSS de Staline.
·
§ une étude autour de la problématique suivante : «comment est-on passé de l'espérance de 1917 à la construction d'un régime de type totalitaire ?». Un Etat dont les élèves vont pouvoir suivre, au cours de l'année scolaire, l'évolution de sa naissance (première partie du programme) à son éclatement (seconde partie du programme : de la guerre froide au monde d'aujourd'hui - l'éclatement du monde communiste).

§ Toujours selon les instructions officielles, cette séquence sur l'URSS de Staline est centrée autour de deux axes majeurs :
o la construction de l'Etat soviétique, sa nature et ses pratiques : encadrement, conditionnement des individus, appareil policier et terroriste, culte du chef.

o les transformations radicales des structures économiques (collectivisation, industrialisation) et sociales en soulignant les «mutations sociales et culturelles» que ces orientations ont pu engendrer.


§ Les Instructions Officielles accordent aussi une large place à la violence de masse et à la terreur en réévaluant la place des massacres liés à la dékoulakisation : si les grandes purges «ont été spectaculaires parce qu'elles ont frappé de vieux bolcheviks et des intellectuels, la répression contre la paysannerie [.] a été meurtrière et s'est fait à bas bruit. Les paysans n'ayant pu décrire leur martyre».
La notion de «brutalisation21 » des rapports entre l'Etat et la société trouve donc ici toute sa place. Elle permet de mettre l'accent sur ce mélange inédit de modernisation et de régression des pratiques politiques et sociales (exploitation de la paysannerie, déportations.).


. Bibliographie utilisée pour rédiger cet article :

§ Henry Rousso (sous la direction de). Stalinisme et nazisme. Histoire et mémoire comparées. Ed Complexes. 1999. Nicolas Werth est l'auteur des chapitres sur l'URRS de Staline.
§ M.Ferro (présenté par) Nazisme et communisme. Deux régimes dans le siècle. Coll. Pluriel. Hachette.
§ N. Werth. Communisme l'heure du bilan. Revue l'Histoire. N°217 janvier 1998.
§ S. Nikel. Ecole : le triomphe de Staline. Revue l'Histoire N° 206 p.46 janv.1997.
§ N. Werth. Goulag les vrais chiffres. Revue l'Histoire N° 169 sept.1993.
§ Numéro spécial de l'Histoire sur "les crimes du communisme". N° 247 octobre 2000
§ J.L Van Regemorter. Le stalinisme. Documentation photographique N° 8003. Juin 1998
§ Jacqueline et Didier Musiedlak. Les totalitarismes. Documentation photographique N°7037. Oct.1996.
Histoire-Géographie. Accompagnements des programmes de 3e.
Christine COLARUOTOLO01/01/2003
mailer("christine.colaruotolo","wanadoo.fr","Stalinisme");

[1] Henry Rousso (sous la direction de). Stalinisme et nazisme. Histoire et mémoire comparées. Ed Complexes. 1999. Nicolas Werth est l'auteur des chapitres sur l'URRS de Staline.
[2] J.L Van Regemorter. Le stalinisme. Documentation photographique N° 8003. Juin 1998.
[3] Archives de Smolensk : archives saisies par les Allemands lors de leur attaque contre l'URSS en 1941 puis tombées entre les mains des alliés occidentaux.
[4] M. Ferro (présenté par) Nazisme et communisme. Deux régimes dans le siècle. Hachette. Coll Pluriel .1999.
I. Kershaw et M. Lewin (dir.) Stalinism and Nazism. Dictatorships in comparaison. Cambridge University Press. 1997.
A. Bullock Hitler et Staline.Vies parallèles. Ed.Laffont, 1994.
[5] S. Courtois (dir). Le livre noir du communisme. Crimes, terreur, répression. Ed. Laffont. 1997.
[6] P. Burrin. Hitler-Staline : la comparaison est-elle justifiée ? Revue L'Histoire N° 205 Décembre 1996.
[7] Stalinisme et nazisme. Histoire et mémoire comparée. p. 24.op. cité.
[8] Stalinisme et nazisme. Histoire et mémoire comparée. p.50.op.cité.
[9] Stalinisme et nazisme. Histoire et mémoire comparée. p.72 .op.cité.
10 N. Werth. Communisme l'heure du bilan. Revue l'Histoire. N°217 janvier 1998.
11 Le stalinisme. Doc.Photographique. p 20-21.
12 Stalinisme et nazisme. Chap. Logiques de violence dans l'URSS stalinienne.
13 N. Werth. Goulag les vrais chiffres. Revue l'Histoire N° 169 sept.1993.
14 Stalinisme et nazisme. P 101.
15 Stalinisme et nazisme. p146 et suiv.
16 Stalinisme et nazisme.p161.
17 Maria Ferretti. La mémoire refoulée. La Russie devant le passé stalinien dans Nazisme et communisme. Deux régimes dans le siècle.
18 J. et D. Musiedlak. Documentation photographique N° 7037 Octobre 1996.
19 N. Werth. Communisme: l'heure est au bilan. Revue l'Histoire n° 217 p 8 janv. 1998.
20 S. Nikel. Ecole : le triomphe de Staline. Revue l'Histoire n° 206 p.46 janv.1997.
21 Notion mise en évidence par N. Werth dans l'ouvrage Stalinisme et nazisme. Histoire et mémoire comparée. Cf première partie de cet article.
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http://histgeo.ac-aix-marseille.fr/a/cco/d005.htm

Staline, le tyran rouge
http://www.leblogtvnews.com/article-5726389.html
http://forums.france5.fr/arretsurimages/Presidentielle-des-questions-qui-fachent/staline-m6-sujet_35_2.htm
www.cndp.fr/tice/teledoc/mire/teledoc_tyranrouge.pdf

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Nicolas Werth : Histoire de l'URSS
Enjeux historiographiques et débats récents


Conférence pour l'APHG Caen, 15 octobre 1998

Nicolas Werth analyse la période 1917-1953.
L'ouverture des archives apporte d'abord une révolution documentaire.

Elle s'est faite dans une grande désorganisation. De 1990 à 1993, pas de législation, pas de délais de prescription. Tous les chercheurs ont eu accès à des documents postérieurs à 1970, voire à 1980. Certains auteurs ont abusé, à la recherche du sensationnalisme.

Depuis 1993, la législation s'inspire des règles internationales. Mais des problèmes matériels énormes touchent les archives : pas d'argent pour payer le personnel, peu de moyens pour conserver correctement les archives.

Martin Malia, La tragédie soviétique (Le Seuil 1996)
Moshe Lewin La formation du système soviétique Gallimard 1987
Sheila Fitzpartick Stalin's peasants. Survival and Resistance in the Russian Village after Collectivisation, Oxford 1994
John Arch Getty Origins of the Great Purges. The Communist Party reconsidered 1933-1938 Cambridge 1985

Cette ouverture a été précédée de débats théoriques très vifs, surtout dans le monde anglo-saxon.

2 grands courants divisent les études de soviétologie :

- L'école totalitarienne
Ce courant utilise un modèle idéologique : un régime politique monolithique fondé sur une base idéologique, un état tout-puissant exerçant un contrôle absolu sur une société atomisée et devenue docile à la suite d'un endoctrinement massif, un système qui fait régner la terreur, qui veut créer un homme nouveau, et qui cherche à dominer l'ensemble du monde.

Ce schéma néglige les apports de l'histoire sociale, et sous-estime les réactions de la société.
Ses partisans s'intéressent donc plus aux formes du contrôle qu'aux capacités de résistance.

- L'école révisionniste

Les historiens révisionnistes étudient les liens entre le stalinisme et la société. Ils cherchent les marques d'un consensus ( à travers les stratégies d'ascension sociale), soulignent les nuances chronologiques, analysent la "rationalité interne" de phénomènes aberrants comme la Grande Terreur.

Ils prennent pour cible les points faibles d'une vision à la Orwell :
- quand débute le "totalitarisme soviétique" ? 1917 ? fin des années 1920 ?
- quand finit-il ? 1953 ? 1985 ? 1991 ?

Pour H Arendt, il commence dans les années 1920, et se termine à la mort de Staline. La révolution d'octobre 1917 échappe au modèle. CJ Friedrich, ou L Schapiro fondent la permanence du totalitarisme, de Lénine à Brejnev, sur ses dimensions idéologiques et "impériales".

Dans cette vision totalitarienne, l'approche historique est réduite à sa plus simple expression : une analyse politologique du sommet, une kremlinologie présentant un système statique, dont les propriétés s'appliquent aussi au fascisme mussolinien et au nazisme.

Comment un même système a-t-il duré 70 ans alors que 3 ou 4 fois, les paramètres ont changé, ce qui a du avoir des conséquences politiques. Selon le politologue J Hough, "aucune société ne peut se maintenir si les flux sont à sens unique, du sommet vers la base".

L'équivalence "totalitaire" et "monolithique" est aussi contestée. Les administrations sont marquées par des rivalités d'intérêts, des conflits institutionnels, des oppositions entre personnes, des luttes entre centre et périphérie, entre appareil d'état et bureaucratie du parti…

Les "totalitariens" (M Fainsod : Smolensk à l'heure de Staline, Fayard 1965 ; L Schapiro, The origin of Communist Autocraty, Political opposition in the Soviet State, 1917-1922, Cambridge 1955) fondent leur thèse sur l'apothéose du politique, sur l'absence d'autonomie de l'économique et du social. Ils admettent cependant l'existence de nombreuses zones d'autonomie, et parlent d'un "totalitarisme inefficace".

Dysfonctionnements des administrations, inculture des cadres, cheminement tortueux des ordres rendent en partie caduc le postulat central de la thèse totalitaire : l'omnipotence du parti-Etat.

- autonomie de la société ?
Rarement une société n'a été si profondément bouleversée par un projet idéologique de transformation radicale. L'histoire de la période est marquée par un affrontement quasi permanent entre le parti-Etat et la société, avec une volonté d'éradication de classes entières.

La société n'a-t-elle été que le champ d'application d'un projet d'homo sovieticus ? N'a-t-elle pas conservé des mécanismes de défense à travers les structures familiales, communautaires, associatives, nationales ?

Le débat est difficile entre les partisans du monolithisme et de l'ordre comme principes explicatifs du "système soviétique", ignorants des évolutions et des tensions internes, et les "révisionnistes" qui insistent sur les dysfonctionnements, minimisent la terreur comme moment fondateur, et la violence comme mode de résolution des conflits.

3 chantiers principaux

Les racines du stalinisme dans le creuset de la crise 1914-1922 :

Longtemps, les historiens ont limité les liens entre léninisme et stalinisme à des similarités dans les théories.
Les archives montrent le rôle décisif de la guerre civile, la matrice centrale, à travers les formes d'affrontement. Les bolcheviks sont contraints, faut de cadres, de bricoler leur armée, et leur administration avec des cadres de l'Ancien Régime ralliés. Ils s'en méfient. Ils n'ont pas davantage confiance dans des cadres communistes pas toujours compétents.

Il en résulte 2 formes de pouvoir rivales : des clans politiques structuré autour d'un réseau d'allégeances personnelles, des administrations du parti-Etat. La lutte de ces 2 instances de pouvoir est au cœur des affrontements politiques du "stalinisme".

Le nouveau pouvoir ressent une grande partie de la société comme hostile et ingouvernable. Les bolcheviks ont encouragé les excès de la révolution paysanne de l'été et de l'automne 1917. Par la suite, leur lutte contre de larges fractions de la société prend des formes extrêmes : "décosaquisation" (déportations massives), extermination de suspects et d'otages, liquidation des insurrections ouvrières et paysannes...

La Nep sépare ce premier cycle de violence et celui de la période du stalinisme. Entre 1924(mise en place lente et difficile, après 1921) et 1927; la Nep correspond à 3 ou 4 ans de pause, plus qu'à une véritable alternative.

L'accès aux archives des instances dirigeantes permet de comprendre les tensions entre les instances du pouvoir. O Khlevniouk "Le cercle du Kremlin, Staline et le bureau politique dans les années 1930 : les jeux du pouvoir" Le Seuil 1996 montre que Staline domine le pouvoir contre le politburo. Il s'appuie sur une structure de clan, et s'attaque aux administrateurs professionnels.

La centralisation économique a créé un appareil d'Etat de plus en complexe, ramifié et hypertrophié, qui tente de préserver son autonomie. Staline impose un principe despotique, il fait triompher le principe d'allégeance.

Cette lutte de la Grande Terreur tue des hommes et détruit des liens politiques. Elle rebâtit un nouveau mode de gouvernement, et elle favorise l'ascension des "promus du I Plan", la génération des Brejnev, des Souslov (le Politburo des années 1960-1980).

Contrairement à ce qu'affirment les "révisionnistes", l'impulsion du centre, et notamment de celle Staline a toujours été décisive. Des quotas "d'individus à réprimer" étaient fixés au centre ; les dérapages locaux résultaient d'un "supplément" demandé par les autorités locales et "accordé" par Moscou.

Le "second stalinisme", à partir des années 40, est plus nationaliste, pesant et conservateur. Les luttes de clans ne disparaissent pas, et il reste à étudier un certain nombre "d'affaires": Jdanovschina campagne cosmopolite, affaire de Léningrad, affaire de Mingrélie…

Peut-on, pour autant, dire que Staline était un "homme d'appareil" qui aurait bâti une "autorité bureaucratique", foncièrement différente de "l'autorité charismatique" de Hitler (I Kershaw, Retour sur le totalitarisme. Le nazisme et le communisme dans une perspective comparative. Esprit janvier-février 1996).

Je ne le pense pas.

Le mode de gouvernement n'avait rien de purement bureaucratique (cf Moshe Lewin). C'était plutôt une sorte de mélange entre un "enthousiasme bureaucratique" et une parfaite subordination à un parti personnifié par Staline. Le système ne pouvait devenir bureaucratique qu'après la disparition de Staline.

Etat et société : les chantiers de l'histoire sociale.

Longtemps parente pauvre, l'histoire sociale a bénéficié de l'accès à des sources inédites : rapports de la police politique sur l'esprit public, lettres adressées par de simples citoyens...

Plusieurs axes ont été explorés : impact des politiques de terreur, formes de stratification et d'exclusion, formes de résistance, permanence de comportements "non-conformes".

Les archives du Goulag ont permis d'évaluer l'impact des politiques de terreur, et leur permanence : les déportations de groupe sociaux ou ethniques sont une pratique constante de 1930 à 1953, avec des antécédents remontant à 1920-1921.

Les études permettent de cerner les frontières perméables et mouvantes entre univers libre et univers non-libre . Le facteur idéologique s'effaçait souvent derrière des considérations pragmatiques, liée au besoin effréné de main d'œuvre bon marché.

Les formes de résistance sont mieux connues : guerre paysanne de 1929-1932 (A Graziosi, Collectivisation, révoltes paysannes et politiques gouvernementales, Cahiers du monde russe, 3,1995 souligne la continuité avec les insurrections de 1902, 1905-1907, 1917, 1919-1921)

Résistance en milieu ouvrier (émeutes d'Ivanovo 1932, 1941), files d'attente comme "laboratoires des rumeurs".

Le régime a brisé toutes les structures d'opposition, mais il redoute cette "résistance" passive.

Quelles sont les formes d'autonomie du social ?

Alain Blum étudie "le long terme impertubable" de la sphère démographique (Vivre, naître et mourir en URSS, Plon 1994
Le maintien d'une justice sommaire dans certaines communautés paysannes, la permanence de sectes schismatiques (WC Fletcher, l'église clandestine en Union soviétique 1971), la force de la culture apocalyptique, la constance de formes de "grande peur" en milieu ouvrier suggèrent une autonomie importante.

L'étude des résistances régionales montre des constantes qui obligent à relativiser la "coupure absolue" de 1917.
L'histoire sociale permet de nuancer les grandes inflexions de la chronologie politique :
mars 1921 ne marque pas partout la fin des réquisitions, la dékoulakisation ne se limite pas à l'hiver1929-1930, et pour la masse de la population, 1932 est une année plus terrible que 1937.

La sortie du "totalitarisme stalinien"

Les années 1950-1980 ont fait l'objet d'un nombre limité de travaux, et les archives s'ouvrent à peine (prescription trentenaire).
En quelques années, l'Union soviétique passe d'un système "totalitaire", à un système autoritaire. Les espaces d'autonomie sociale se devéloppent, des économies parallèles (lopins, marché noir) fleurissent.

Les années Khrouchtchev sont celles de la sortie du stalinisme - dépénalisation des relations sociales, fin des répressions de masse, déstalinisation mesurée- et celles des derniers grands mythes - "retour au léninisme", campagne du maïs, conquête des Terres vierges-. Les réformes faites par un "homme du sérail" échouent.

Après 1964, le pouvoir gère le quotidien, et tente de maintenir le statu quo dans un monde et une société qui changent. Il ne voit pas l'émergence d'une société civile pleinement constituée.

Après 1985, la perestroika tente de libérer l'économie et la société du carcan du "système administratif de commandement". L'échec de Gorbatchev est le fruit de 3 décennies de "sortie du stalinisme" où la société a pris sa revanche sur l'Etat.

Recherches et ouverture des archives permettent une approche renouvelée.
A l'étape actuelle, en l'absence d'une synthèse ou d'un dépassement qui prendrait en compte les 2 tendances historiographiques, N Werth cite K Pomian

"En fait, rien ne s'oppose à l'utilisation de "totalitaire" et de "totalitarisme" par l'histoire et par les sciences sociales. Comme Marc Blch le dit de "féodalité" et de "société féodale" : à condition de traite ces expressions simplement comme l'étiquette, désormais consacrée, d'un contenu qui reste à définir, l'historien peut s'en emparer sans plus de remords que le physicien n'en éprouve, lorsqu'au mépris du grec, il persiste à nommer atome une réalité qu'il passe son temps à découper".

Questions :

Quel degré d'adhésion des ouvriers ?
Une question centrale, mais difficile : les archives s'intéressent davantage aux refus qu'à l'enthousiasme.
L'adhésion est cependant un élément de promotion sociale. Le régime produit une formidable exclusion, et une très forte ascension sociale.

Quelles études pour l'après 1953 ?
Très forte disproportion dans le niveau des recherches, en liaison avec la disponibilité des archives. Peu d'études récents sur Khrouchtchev, sur Brejnev. Mais quelques travaux sur la politique étrangère de l'URSS.

1953 semble bien plus une rupture qu'un élément de continuité.

Le totalitarisme est-il un modèle valide pour l'historien ?
Comme forme statique, le totalitarisme convient aux politologues qui insistent sur l'invariant.
L'historien préfère étudier l'approche dynamique, les mutations liées aux hommes, aux structures, au contexte international.

Peut-on dénombrer les victimes du stalinisme ?

Les archives de plusieurs institutions permettent des estimations, avec de grandes discordances selon les auteurs.
Pour N Werth, 20 millions de personnes ont pu passer dans les camps entre 1930 et 1953, les effectifs ne dépassant pas 2,5 millions à un moment donné.

La mortalité est variable : 18% par an en 1942, beaucoup moins à la fin des années 1940.

Le livre noir du communisme :
L'introduction commune devait porter sur une comparaison des systèmes de terreur dans chacun des pays communistes. Stéphane Courtois a déplacé le sujet vers une comparaison entre communisme et nazisme, sans faire appel à des spécialistes du nazisme.
La comptabilité des victimes ne suffit pas à rendre compte des spécificités de chaque système répressif : le laogai chinois insiste sur la rééducation des esprits, et on y entre, on ne sort pas.

La Russie en 1998 :

Un climat de crise continue et dramatique, liée à l'hyperinflation. Ceux qui peuvent disposer d'un lopin sont retournés à l'économie de subsistance.
Marie Mendras (Le Monde, ~13 octobre 1998) souligne l'autonomisation croissante des régions.
Nicolas Werth : Histoire de l'URSS
Nicolas Werth Totalitarisme ou révisionnisme ? L'histoire soviétique, une histoire en chantier Communisme, 47-48, 1996, p 57-70
Nicolas Werth, Gael Moullec Rapports secrets soviétiques, la société russe dans les documents confidentiels, 1921-1991, Gallimard 1995

Dans la revue "L'histoire"
être communiste sous Staline, 30 p113-120
De l'amour libre à l'ordre moral 72 page: 74-79
Moscou : " Le plus beau métro du monde " a 50 ans ! 81 page: 88-91
URSS : les mécanismes de la corruption (entretien) 149 page: 46-51
Félix Dzerjinski et les origines du KGB, 158 page: 30-42
Goulag : les vrais chiffres, 169 page: 38-51
La vraie guerre des partisans russes, 171 page: 26-33
Comment Staline a affamé l'Ukraine, 188 page: 78-84
URSS : les ruines de l'empire (201 (SPÉCIAL) page: 88-93
La prise du pouvoir par les bolcheviks, 206 page: 24-35
Communisme : l'heure du bilan , 217 p 6-7
La Russie soviétique, révolution, socialisme et dictature, 223, p8-21

Notes personnelles, Daniel Letouzey

http://aphgcaen.free.fr/werth.htm

liste des cours d'histoire géo

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