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mardi 22 mai 2007

Le coût de la guerre d’Indochine

Le coût de la guerre d’Indochine

Article de Hugues Tertrais, docteur en histoirede l’université de Paris I


Le Comité pour l’histoire économique et financière de la France vient de publier « La piastre et le fusil »(1). L’auteur analyse la guerre d’Indochine en privilégiant le point de vue financier. L’évaluation du coût de la guerre conduit ainsi à une évaluation de la guerre elle-même, à travers la nature de ses dépenses, les modalités de leur financement et la gestion des flux financiers qui en découlent, dans laquelle le ministère des Finances joue un rôle croissant : un an avant Dien Bien Phu, la dévaluation de la piastre indiquera le sens que la France donne à ses ultimes ambitions en Asie.

La guerre d’Indochine a gardé la réputation d’avoir coûté cher à la France et de s’être accompagnée de trafics sur lesquels la lumière n’a pas toujours été faite. Les archives d’État ne dissipent pas cette impression, à l’instar de cette appréciation du ministre des Finances Maurice Petsche en 1950 : « L’effort financier de la France, au titre des dépenses militaires en Indochine, est donc en réalité beaucoup plus considérable qu’il apparaît à l’examen des textes budgétaires. Or l’opinion, le Parlement, le Gouvernement lui-même ne peuvent s’en rendre compte puisque le mécanisme de ces dépenses en cache la signification et l’importance aux yeux des observateurs les plus avertis »(2). La guerre d’Indochine, analysée en long et en large sous ses aspects politiques et militaires, conserve donc encore quelques secrets susceptibles d’attirer les historiens. Les Archives économiques et financières, qui conservent les papiers des directions du Trésor et des Finances extérieures (une quarantaine de cartons pour l’Indochine), aident à les approcher : si elles ne dissipent pas toutes les zones d’ombre, elles permettent en tout cas, croisées avec d’autres archives d’État, une relecture de la guerre d’Indochine, éclairant sous un nouveau jour l’engagement de la France en Asie du Sud-est.Une guerre monétaire était à l’œuvre sous la guerre tout court : c’est l’une des originalités du conflit. À la fin d’une année 1945 particulièrement troublée en Indochine, durant laquelle la France perd sa souveraineté, le recouvrement de celle-ci se réalise d’abord en effet par la monnaie – la piastre émise par la Banque de l’Indochine. Sous la houlette de François Bloch-Lainé, alors jeune conseiller financier du haut-commissaire d’Argenlieu, l’exercice de l’autorité monétaire, notamment par l’interdiction de grosses coupures précédemment – et généreusement – distribuées par l’autorité japonaise, précède la prise de contrôle militaire du territoire. Parallèlement au choc des armes, une véritable guerre monétaire oppose ensuite la France et le Viet Minh : ce dernier émet en effet ses propres coupures et interdit les billets français dans les zones qu’il contrôle, utilisant ceux qu’il récupère pour des achats divers, en particulier d’armements. Parallèlement, la question du taux de la piastre, provisoirement surévaluée dès 1945, restera à l’arrière-plan du financement de la guerre pendant toute sa durée : un an avant Dien Bien Phu, en mai 1953, la dévaluation de la monnaie indochinoise constituera un événement plus discret, mais non moins important du désengagement de la France.


La dérive financière d’un conflit mal maîtrisé

Pour le reste, « tout problème n’est pas financier mais le devient un jour », notait déjà Pierre Mendès France, justement à propos de la guerre d’Indochine. La prise en compte du financement de la guerre permet en effet de mieux cerner, à travers les différentes périodes, l’évolution du conflit.La première période (1945-1948) est celle d’une guerre coloniale, conduite dans une logique de reconquête par un corps expéditionnaire constitué de toutes pièces, mais qui est menée « aux moindres frais ». La France de la reconstruction, il est vrai, a bien d’autres soucis en tête. Chacun spécule sur une issue rapide du conflit, mais les militaires n’obtiennent aucun résultat décisif et les politiques, après la rupture avec Ho Chi Minh, s’attellent laborieusement à une « solution Bao Dai » qui tarde à se concrétiser. L’environnement international – et avec lui la configuration du conflit – changera avant qu’ils n’aboutissent.La situation se détériore en effet dans une seconde période (1949-1951), marquée en 1950 par la première défaite militaire française à Cao Bang : la guerre civile puis la révolution chinoise de 1949 augmentent la tension et accroissent la menace, le Viet Minh pouvant désormais s’appuyer sur le « grand arrière » chinois. Certains, derrière Mendès France, recommandaient alors au Gouvernement de prendre langue avec l’adversaire mais, la logique de la guerre froide aidant, il n’en a rien été. La dérive financière de cette période et le coût inquiétant pris par la guerre (8 % à 9 % des dépenses de l’État en 1950), à un moment où la rue de Rivoli commence à se féliciter de la maîtrise des finances publiques, suggère aux « décideurs » d’autres solutions. La guerre coûte cher en hommes, principal poste budgétaire du Corps expéditionnaire. Moyennant l’octroi d’une certaine indépendance, les États associés du Vietnam, du Cambodge et du Laos seront invités à « entrer dans la guerre », avec des « armées nationales » que la République aidera à constituer – les transferts de souveraineté nécessaires feront l’objet de la conférence de Pau, réunie durant six mois en 1950. La France peine par ailleurs à équiper au niveau requis ses troupes dépêchées sur place. L’aide Américaine sera sollicitée. Cette assistance militaire négociée dès 1949 et formalisée en 1950 consistera en livraisons gratuites de matériel, mais celles-ci seront d’une telle ampleur – des cartouches de fusil aux avions de combat – que les Forces françaises d’Indochine seront presque entièrement rééquipées. Les Américains y ajouteront une aide économique aux États associés, qui apparaissent dès ce moment comme un enjeu entre les deux alliés, les États-Unis n’ayant pas renoncé à leur vieil objectif d’encourager la décolonisation.




L’Indochine en 1954. Une guerre à vendre ?

Mais la montée en puissance de l’adversaire accompagnant celle des Forces françaises, rien n’y fait, et les dépenses continuent de s’emballer : dans la troisième période (1952-1954), la guerre d’Indochine est rattrapée par son coût et le traitement du conflit apparaît de plus en plus financier. En francs constants, les opérations en Indochine coûtent en 1952 à la France presque trois fois plus que cinq ans plus tôt. Dans un budget impossible à boucler, et alors que le pays entreprend un réarmement lui-même très coûteux, l’Indochine apparaît aux experts parisiens comme le seul poste sur lequel on peut faire des économies. Une aide financière américaine, s’ajoutant à celles déjà consenties, est sollicitée et obtenue à partir de 1952 : elle connaît dans les deux dernières années du conflit une croissance telle qu’elle en assurera finalement près de 80 % du coût, les États associés se tournant alors de plus en plus vers les États-Unis. La France, où le ministère des Finances joue un rôle croissant dans la gestion du conflit, ou du moins de son coût, craint alors une crise financière. Celle-ci sera militaire et se localisera à Dien Bien Phu, dont la place est investie le 7 mai 1954 après un siège en règle. La France a alors perdu pratiquement sur tous les fronts : ses troupes ont été défaites par le Viet Minh, elle n’a plus la confiance des États associés, et les États-Unis n’en sont pas fâchés.Au-delà du coût de la guerre, la « fenêtre » financière permet une évaluation de la guerre elle-même. Comme dans une entreprise, mais la guerre, surtout si elle se prolonge, en est une, l’examen des dépenses et des recettes permet d’entrer dans le quotidien du conflit. Qu’est-ce qui coûte cher dans ce type de guerre ? Les hommes sans doute. Les budgets militaires de l’époque étant principalement des budgets d’entretien, le « jaunissement » des troupes permettra de substantielles économies : l’entretien des militaires locaux, dans le corps expéditionnaire ou les armées nationales, revient environ 37 % moins cher que celui des Européens. La part du matériel augmente cependant avec le temps, et les difficultés de se le procurer font regarder de l’autre côté du Pacifique. Il faut tenir compte enfin des opérations militaires, de plus en plus onéreuses avec l’évolution de la guerre, qu’il s’agisse de la ceinture d’ouvrages fortifiés que de Lattre fait aménager autour du delta du fleuve Rouge, ou du recours aux « places fortes » nécessitant l’usage du parachute et l’emploi de l’aviation. La mobilisation des ressources nécessaires à la couverture de ces dépenses, quant à elle, dépend essentiellement des budgets : celui de l’État régulièrement voté par le Parlement, ceux des États associés, qui leur sont transférés par la France et se trouvent de plus en plus sollicités, celui bientôt aussi des États-Unis. Mais sur place, le recours à l’inflation et le détour des comptes spéciaux, en particulier dans la période médiane, apportent leur contribution, ainsi que certaines pratiques moins avouables comme le trafic de l’opium.



« Bulle financière » et « bulle militaire »

Il apparaît cependant, à propos de la guerre d’Indochine, que ce n’est pas tant le montant déboursé qui compte vraiment que la gestion qui l’accompagne. De ce point de vue, la mauvaise gestion quasi permanente (non-état de guerre, organigramme compliqué, répartition complexe des dépenses) a son propre coût. Le sentiment prévaut aussi que les flux financiers générés par le conflit, crédits militaires d’une part, transferts financiers de l’autre, alors que la surévaluation de la monnaie indochinoise encourage le « trafic des piastres », en facilitent d’une certaine manière le financement. Quant à l’aide américaine, surtout celle qui est attribuée en précieux dollars, elle fournit à la France des ressources équivalentes à ce que, normalement, les exportations auraient pu lui procurer. La guerre d’Indochine comme produit d’exportation !… La gestion de son coût aura en tout cas contribué à résoudre l’un des problèmes majeurs de la IVe République, celui des paiements.Le coût de la guerre – environ une année de budget sur dix ans – doit ainsi être relativisé, la balance des pertes et des profits n’étant pas si inégale. Sa gestion aura en fin de compte permis à la France de ne pas sortir trop marquée par ce conflit, financièrement comme économiquement. Les pays d’Indochine par contre, durablement meurtris et balkanisés, paraissaient mûrs pour de nouveaux tourments. Les projets de la Libération, celui notamment d’industrialiser la région, avaient été de bonne heure perdus de vue. Cependant, dans cette guerre où la piastre aura compté autant que le fusil, et les directeurs du ministère des Finances autant que les commandants en chef, un certain décrochage entre la gestion militaire et la gestion financière du conflit – « bulle militaire » d’un côté, « bulle financière » de l’autre – n’est sans doute pas sans responsabilité dans son issue tragique.

Chronologie- 9 mars 1945 :
Coup de force japonais, renversant le pouvoir français en Indochine.
- 2 septembre 1945 :
Capitulation du Japon et proclamation à Hanoï de l’indépendance du Vietnam.
- 6 mars 1946 :
Accords Ho Chi Minh-Sainteny.
- 19 décembre 1946 :
« Clash » de Hanoï et déclenchement de la guerre d’Indochine.
- 25 septembre 1948 :
Loi retirant son privilège d’émission à la Banque de l’Indochine.
- 8 mars 1949 :
La France reconnaît officiellement le Vietnam (Bao Dai) comme État associé, puis le Laos et le Cambodge les 19 juillet et 8 novembre suivants.
- Janvier 1950 :
Les gouvernements chinois et soviétique reconnaissent la RDV (ho Chi Minh).
- Juin-novembre 1950 :
La conférence de Pau institue une Union économique entre les trois États associés, gérée avec la France selon un régime quadripartite.
- 20 décembre 1950 :
Military Assistance Act signé à Saigon par les États-Unis, la France et les États associés.
- 7 septembre 1951 :
Accords de « coopération économique » entre les États-Unis et les États associés d’Indochine.
- 1er janvier 1952 :
Entrée en fonction de l’Institut d’émission des États associés du Cambodge, du Laos et du Vietnam.
- 6 février 1952 :
À la conférence de Lisbonne, les États-Unis octroient à la France une aide financière pour l’Indochine.
- 11 mai 1953 :
Dévaluation de la piastre, ramenée de 17 à 10 francs.
- 21 juillet 1954 :
Les accords de Genève instituent un cessez-le-feu en Indochine et partagent le Vietnam en deux (17e parallèle), à titre provisoire.
- Août-décembre 1954 :
Conférence de Paris entre la France et les États associés, mettant fin au régime du quadripartisme.
(1) La piastre et le fusil - Le coût de la guerre d’Indochine (1945-1954) : 634 pages, 35 €; en vente en librairie (tél : 01 56 54 16 00) ou par correspondance (tél : 01 53 18 69 00).(2) Lettre du ministre des Finances au ministre des États associés, 27 juin 1950.AEF, Fonds Trésor, B 43926.
© Les notes bleues de BercyLe coût de la guerre d’Indochine

http://www.finances.gouv.fr/notes_bleues/nbb/nbb236/236_cgi.htm
Leclerc et l'Indochine et Giap

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